Datation par enfouissement aux radionucléides cosmogéniques dans un continuum terre-mer
[Projet financé par le Conseil scientifique GM (AAP 2022)]
La plaine du Roussillon est née de la reconstruction de la marge du Golfe du Lion depuis 5.3 Ma, suite à une période d’érosion majeure survenue au Messinien. Vue en coupe, cette plaine datée du Plio-Quaternaire prend la forme d’un prisme sédimentaire composé essentiellement de sédiments détritiques issus de l’érosion des massifs environnants. Elle ne constitue que la partie émergée de cet objet qui s’étend jusqu’au rebord de plateforme actuel, situé à 70 kilomètres de la côte. Ce prisme sédimentaire renferme plusieurs réservoirs géologiques dont certains contenant de l’eau douce et alimentant la région. Comprendre l’architecture de ces aquifères selon un continuum terre-mer est un enjeu actuel majeur pour une gestion durable de la ressource.
Les méthodes telles que la sismique réflexion, les diagraphies en forages, l’étude des affleurements sur le terrain renseignent sur la géologie en surface et dans le sous-sol. Les informations obtenues sont ensuite interprétées, interpolées et corrélées grâce à une compréhension intégrée du système sédimentaire étudié.
C’est dans ce cadre que s’insère un projet financé lors de l’AAP 2022 du CS. Le prisme sédimentaire étudié est divisé en sous-prismes limités par des surfaces géologiques majeures, pour certaines identifiables et corrélables à terre et en mer (voir illustration). Leurs âges respectifs restent néanmoins encore très discutés et l’objectif ici est de tester une méthode de datation cosmogénique qui pourrait nous permettre d’obtenir des âges plus précis que ce qui existe actuellement dans la littérature. Cela permettrait à terme de quantifier l’évolution temporelle des flux sédimentaires locaux, en lien direct avec l’organisation des réservoirs.
La méthode testée est la datation par enfouissement aux isotopes cosmogéniques 10Be/26Al qui repose sur le principe suivant : la surface de notre planète reçoit un rayonnement cosmique permanent créant, par réaction de spallation, des isotopes cosmogéniques dont le 10Be et le 26Al.Le rapport de concentration entre ces deux isotopes d’intérêt est stable dans les sédiments se trouvant à la surface. Comme le rayonnement cosmique n’a qu’une faible capacité de pénétration dans l’écorce terrestre (30m), lorsque les sédiments sont enfouis au-delà de cette limite, la formation d’isotopes cosmogéniques s’arrête. Le 10Be et le 26Al ayant une durée de demi-vie différente, leur rapport de concentration devient fonction du temps. Il est donc théoriquement possible de dater l’âge de l’enfouissement des sédiments (et dans notre cas, les surfaces géologiques qui y sont associées) en analysant leurs concentrations en isotopes cosmogéniques au sein de la fraction quartzitique.
Dans cette étude, 12 échantillons ont été prélevés sur des carottes issues de 3 forages de la plaine du Roussillon. Ces échantillons avoisinent les profondeurs de surfaces majeures identifiées sur les logs lithologiques. Ils sont en cours d’analyse au CEREGE. Les concentrations en isotopes cosmogéniques mesurées seront interprétées en termes d’âges et devraient permettre des avancées majeures sur la chronostratigraphie de la plaine du Roussillon. Ce travail est menée en collaboration avec Jean-François Ritz et Oswald Malcles (Géosciences Montpellier).
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{Le bulletin du laboratoire Géosciences Montpellier n°27 – mars 2023}